Entretien avec Clara Hénissart, Directrice de l’Op du Levant

« Acheter du poisson local, c’est soutenir un modèle social juste »

On parle beaucoup d’environnement quand il s’agit de pêche. Mais vous, aujourd’hui, vous voulez surtout parler du volet social ?

Clara Hénissart : Oui, parce que c’est un pan qu’on oublie trop souvent. Acheter du poisson français, local, ce n’est pas seulement un acte écolo. C’est aussi un acte social. Derrière chaque poisson vendu en direct ou débarqué en criée, il y a des femmes et des hommes qui travaillent dur, dans un cadre strict, avec des règles sociales claires. Le droit du travail maritime français, c’est pas de la rigolade : bulletins de paie, jours de repos, salaires décents, formation… Tout y est.

Et ça change quoi concrètement pour le consommateur ?

Clara Hénissart : Ça change tout ! Quand vous achetez un poisson qui a été pêché ici, que ce soit en Corse, en PACA ou en Occitanie, ou n’importe où en France au final, vous soutenez directement un marin qui a une vraie protection sociale. Parfois, c’est un patron-pêcheur seul à bord, qui fait tout de A à Z : pêche, vente, mécanique, entretien… C’est pas un cliché. C’est le quotidien. Ce sont des petits chefs d’entreprise qui tiennent à bout de bras leur activité, avec passion, rigueur, et souvent un attachement viscéral à la mer.

On oppose souvent pêche et environnement. Certains disent que les bateaux prélèvent trop…

Clara Hénissart : C’est une vision simpliste. Nos pêcheurs ne sont pas des braconniers en liberté. Ils bossent dans un cadre hyper réglementé. On peut discuter des quotas, des techniques, on peut débattre de tout ça. Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces gens-là ne font pas « n’importe quoi ». Ils vivent de la mer, donc ils ont tout intérêt à la préserver. Et surtout : ce sont des gens, pas juste des « prélèvements ». Des pros passionnés qui se lèvent à l’aube, qui bossent dur, qui rentrent rincés et qui recommencent le lendemain.

Pourquoi c’est important de le rappeler aujourd’hui ?

Clara Hénissart : Parce qu’il y a une vraie fatigue. On pointe du doigt la pêche française alors qu’elle est encadrée, surveillée, transparente. Pendant ce temps, on importe massivement du poisson d’Asie ou d’Amérique du Sud, sans se poser de questions sur les conditions sociales des gens qui l’ont pêché. Le bilan carbone est dégueu, et les normes sociales, c’est souvent le grand flou. Chez nous, c’est clair. Acheter français, c’est soutenir un modèle qui respecte les humains autant que la ressource.

Un dernier mot pour les consommateurs ?

Clara Hénissart : Oui. Quand vous achetez votre poisson, posez-vous cette question simple : d’où il vient, qui l’a pêché, dans quelles conditions ? Parce qu’un poisson, ce n’est pas qu’un filet dans l’assiette. C’est du boulot, du savoir-faire, et souvent beaucoup de fierté. Soutenir la pêche de Méditerranée française, ce n’est pas une nostalgie : c’est un choix de société.